De la légitimité de l'optimisation
On a tous entendu parler certains types plus malins que tout le monde, ou lu leurs interventions sur des forums: ils se posent en "homme qui sait" pour décréter, sur un ton docte, que tel logiciel, tel site, telle appli ne sont pas optimisés...
Je me suis rendu compte qu'aujourd'hui, cette étape nécessaire de la programmation est devenu une façon de percevoir le monde...
Petite réflexion perso qui vaut ce qu'elle vaut (et pas plus )
La plupart des codeurs du dimanche (genre moi) qui parlent d'optimisation le font comme s'il s'agissait là d'une sorte d'absolu, de perfection, vers laquelle tendre de toutes ses forces...
Quand on y réfléchit posément, toutefois, il apparaît que l'optimisation n'est en rien une fin, mais un moyen: on optimise son code, son appli, sa maquette avec un objectif précis.
Aussi, parler d'optimisation comme le saint Graal de la prog sans aborder dans le même temps dans quel but on le fait, c'est un peu comme déclamer que la mytose cellulaire est mieux que la reproduction sexuée sans dire sur quel point de comparaison on se base: la mytose est plus simple mais le sexe est tout de même plus fun...
La question qui me vient à l'esprit quand on me dit que mon code peut être optimisé (ce qui m'intéresse toujours au plus haut point) c'est: optimiser pour quoi faire ?
On peut optimiser son code pour:
- qu'il soit plus rapide (mais on y perd peut-être en lisibilité)
- qu'il soit plus lisible (mais il sera moins compact)
- qu'il soit plus compact (mais à débugger ou à maintenir, bonjour)
- qu'il soit plus léger,
- qu'il soit plus élégant (mais ça marchait avant nom de dieu: touche à rien !)
- qu'il soit plus facile à maintenir,
- qu'il puisse être utilisé et compris par d'autres personnes de l'équipe sans provoquer de vomissements, diarrhées et conjonctivites,
- qu'il s'intègre dans d'autres applis,
- qu'il soit réutilisable,
- qu'il ne prenne pas trois jours de développement,
- ...
Tous ces objectifs sont légitimes mais parfois incompatibles entre eux... et c'est là tout le problème quand cette forme de pensée est appliquée en dehors de l'info.
Depuis plusieurs années, on voit de plus en plus les techniques "manageriales", autrefois réservées au monde de l'entreprise, venir contaminer l'espace public et la vie de tous: ainsi on parle partout de benchmarking, de management, de ressources humaines, d'optimisation des ressources et des pratiques etc...
Et voilà que ce qui s'avérait une bonne chose en info devient la justification de toutes les bassesses: la fin justifie les moyens...
L'optimisation d'un hôpital, c'est de le rendre rentable... Qui a décrété qu'un service public devait l'être ?
Un service public, utilisé de façon raisonnée, n'a pas à être rentable: il est là pour fournir à tous un service gratuit, égal et minimum garanti... Il fait partie de la res publica, le bien commun.
Quand un cabinet de conseil en ressources humaines vient expliquer comment gérer une entreprise et l'optimiser, qui lui demande sur quels critères ?
Gagner plus d'argent ? Etre plus productifs ? Dégager plus de bénéfices pour les actionnaires ? On peut en justifier des injustices avec ces objectifs ...
Et l'objectif humain, alors ?
Quand la direction d'une banque fait du benchmarking pour comparer les résultats de chaque bureau et qu'elle cloue au pilori les établissement les moins "efficaces" ? Elle pousse parfois au suicide ou à la maladie les gens qui y travaillent ou qui en sont responsables... Et l'objectif humain là dedans ?
Quand on flique les ouvriers d'une usine ? quand on harcèle les vendeuses d'un magasin un chrono et une calculatrice à la main ?
Où est passé l'objectif humain ?
Quand des agences de notation d'un autre continent décident de qui est fiable et qui ne l'est pas ? (dirigeant au passage la politique des pays et les poussant encore davantage vers le précipice...)
Où est passé l'objectif humain ?!
Jusqu'où va-t-on optimiser ? Quelles absurdités ou quelles inhumanités va-t-on justifier au nom de cette vision utilitariste du monde ...? Et cette façon de concevoir le monde s'étend sans vergogne à la politique...
Naïvement, je croyais que la société était au service du développement humain avant de me rendre compte que tout le monde ne donne pas le même sens au mot développement.
Beurk...
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