Dieudo: est-on encore libre de s'exprimer ? (pas un poisson)

Fan de Dieudo de la première heure mais lassé de ses spectacles basés uniquement sur la provocation, j'ai eu envie de donner mon avis sur ce que les médias ont appelé "le problème Dieudonné" et qui soulève évidemment beaucoup de questions importantes.

 

Retour sur une affaire après que les passions se sont calmées... et réflexions subjectives autant que personnelles.

 

 

 


 

1- la liberté d'expression au quotidien

libre de dire ce qu'on pense

La liberté n'est évidemment pas de faire ou dire  tout ce qu'on veut quand on en a envie, inutile de revenir là-dessus, nous adhérons tous à ce principe qui sauve toute société du chaos et de la raison du plus fort...

Obéir à son instinct ou à son impulsion n'est pas être libre...

 

Toutefois, être libre c'est quand même avoir le droit de parler de tout et d'aborder tous les sujets, non ? C'est avoir le droit de soulever et de poser toutes les questions... 

On peut parler de tout sans pour autant avoir le droit de tenir n'importe quel propos... ce sont deux choses différentes.

 

devoir social de diplomatie

En effet, tout droit légitime se doit de s'exercer avec raison (une sorte de fair use, en somme)

  • suis-je certain de "ma" vérité ? (vérité ou simple opinion ?)

Descartes : " Il y a déjà quelque temps que je me suis aperçu que, dès mes premières années, j'avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j'ai depuis fondé sur des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain ; de façon qu'il me fallait entreprendre sérieusement une fois en ma vie de me défaire de toutes les opinions que j'avais reçues en ma créance, et commencer tout de nouveau dès les fondements, si je voulais établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences ".

  • ma vérité vaut-elle de faire mal ? si oui, comment la dire ? ne pas confondre hypocrisie et diplomatie

Hypocrisie: Comportement par lequel on exprime des sentiments, des opinions que l'on n'a pas, que l'on n'approuve pas.

Diplomatie: Habileté, adresse, souplesse, prudence dans la conduite d'un entretien ou d'une affaire difficile

"Quand tu lances la flèche de la vérité, trempe la pointe dans le miel" proverbe arabe

  • la liberté = responsabilité: on a le droit de s'exprimer mais on se doit d'en assumer les conséquences... 

 


 

2- La liberté d'expression comme devoir intellectuel

On doit pouvoir être sacrilège et provocateur.

Même les propos extrêmes ont la vertu de faire réagir et réflechir les autres; ces derniers s'exprimeront à leur tour pour contrebalancer à force d'arguments toute dérive importante.

La quantité de réactions est par ailleurs proportionnelle à l'insoutenabilité des propos tenus au départ...

Et si on entre dans le cadre de la loi (appel au meurtre, à la haine etc) c'est à la loi de prendre l'affaire en mains.

 


 

3- Dieudonné 

Un message fait pour choquer et provoquer... 

Il se moque de tout, joue des personnages horribles, met en scène la violence, l'horreur, les propos sacrilèges, remet en question les paroles d'auteurs etc...

Dieudo se moque aussi de l'esprit des lumières en extrayant, avec une mauvaise foi évidente, certains propos aujourd'hui inacceptables et en faisant mine de jeter le bébé avec l'eau du bain, repoussant en bloc toute l'oeuvre.

 

Son problème reste qu'il ne sait pas faire sentir la séparation entre le personnage qu'il joue et lui-même, ce qui brouille le message et laisse croire qu'il s'agit de premier degré... (j'espère que ce n'en est pas...)

Pourtant, il le dit à certains moments: "attendez, si vous croyez que c'est facile de jouer un gros con pareil!"

 

Dans les spectacles suivant son bannissement, la tendance s'aggrave, puisqu'il passe davantage au standup, qui consiste plus à se mettre en scène soi-même: il aggrave ainsi encore la tendance à prendre ses propos pour argent comptant.

 

Au passage, le gouvernement taxe Dieudonné d'antisémite aux propos haineux appelant à la haine, mais ne se prive pas de rapports politiques avec des dictateurs et des dirigeants se torchant ouvertement avec les droits de l'homme, criminels avérés tenant aux tribunes officielles des propos totalement inacceptables appelant parfois au génocide pur et simple...

 

Un peu de cohérence: même si je peux entendre que ne pas entretenir de liens avec les dictateurs n'est pas la solution, peut-être pourrait-on au moins avoir le courage de condamner AUSSI leurs positions en la matière (et accessoirement ne pas leur vendre de technologies leur permettant d'affermir leur poigne sur leur peuple).

 

 

Un humour qui choque particulièrement parce qu'il touche les juifs

Au quotidien nous pratiquons tous le devoir de mémoire (et encore plus dans mon boulot): nous rappelons qu'hitler a été élu et qu'il est aisé de laisser la xénophobie arriver au pouvoir sous le prétexte qu'une partie de la population est désignée comme coupable de tous les maux... (ça vous rappelle quelque chose ?)

 

J'ajouterais de plus que tout ce que dit Dieudo ne me fait pas rire, loin de là... La provocation, comme toutes les formes d'humour, perd de sa drôlerie à être répétée à l'excès... 

 

Mais, après visionnage de tous les spectacles de Dieudonné:

  1. il ne se moque pas que des juifs, mais aussi des arabes, des noirs, des catholiques, des cons, des brutes, des machos etc etc
  2. on rétorquera qu'il se moque en particulier des juifs:
    1. et alors ?! 
      La Shoa, tragédie humaine insupportable qui me met les larmes aux yeux tant je me sens proche de ses victimes sans être juif moi-même (je suis humain), met-elle les juifs définitivement à l'abri du rire ?

      Je ne rejoins évidemment pas Dieudo quand il semble mettre en doute l'histoire, mais il s'agit de second degré, pas d'un prèche politique révisionniste et la question qu'il pose est drôle parce qu'elle est sacrilège et qu'elle permet de réfléchir réellement à un thème de philo: "Qui écrit l'histoire?

      Si on ne peut pas réfléchir à cette question sans être mis au banc de la société pour révisionnisme, nous sommes foutus !

      Si l'humour noir, si cynique soit-il, commence à être prohibé, tout est à craindre... 

    2. Comme je le dis à l'instant, Dieudo pose des questions légitimes auxquelles on a le droit de réfléchir:

      • jusqu'où va la liberté d'expression ?

      • qui en fixe les limites ?

    3. En le condamnant aussi totalement et définitivement, ne le pousse-t-on pas plus loin dans la provocation ? 
      Est-il alors légitime de continuer à le condamner ? 
      Tous ceux qui se pensent meilleurs que lui ne lui tendent pour autant pas la main: c'est au plus intelligent de céder, non ?

       Entre nous:  il est vrai qu'il aurait pu prendre la parole en public dès le début de l'affaire et expliquer qu'il n'était pas antisémite, qu'il s'agissait d'un sketch destiné à provoquer... 

      Mais ce faisant, il aurait admis qu'il avait tort de provoquer... non ?

      Même si le geste était extrêmement difficile à accepter, j'ai moi-même été choqué ce jour-là, n'avait-il pas le droit de le faire ?

      La condamnation aurait-elle été aussi unanime s'il s'était agi d'une blague raciste anti arabes, d'une atteinte à la religion catholique ou au boudhisme ?

 

Car c'est là que le bât blesse:

  1. on le condamne unanimement 
  2. on l'empêche de parler et de faire ses spectacles: CENSURE d'état sous le prétexte de la sécurité des citoyens (à ce compte là, on peut justifier toute répression.)

    C'est au tribunal de gérer ce genre de "dérapages" pas au gouvernement: danger !
  3. on a l'impression qu'en matière de liberté d'expression, il y a deux poids deux mesures : les juifs et les autres...

    Non on n'est pas antisémite quand on rit des blagues sur les juifs: je revendique le droit de rire de ce que je veux sans être condamné... 
  4. on a également l'impression de devoir se sentir coupable envers les juifs des horreurs qu'ils ont subies par la faute d'un système de pensée accepté par toute une société allant des parfaites ordures  aux jemenfoutistes militants...

    Non, je ne me fous pas de la Shoa et je prèche chaque jour le respect de tous et l'humanité en toutes circonstances... 


    Je REFUSE CATEGORIQUEMENT de me sentir coupable pour des actes commis par d'autres, sur lesquels je ne pouvais agir et que je condamne depuis toujours...

    Devoir de mémoire, oui ! Devoir de culpabilité, non !

 


 

 

4- Pour ma part...

...je ne veux pas d'un pays qui empêche un artiste de travailler et d'un état qui censure au lieu de laisser la loi et les tribunaux gérer ce qui leur revient.

 

Je ne veux pas d'une société bien pensante où seuls seront autorisés les propos édulcorés, le politiquement correct et les photos de chat...

 

Je considère qu'il vaut mieux être choqué parfois par les propos des autres que de ne plus avoir le droit de parler.

 

Je préfère que des ordures puissent tenir des propos révisionnistes plutôt que de vivre dans un état qui refuse qu'on puisse se poser des questions sur la version officielle de l'histoire.

La vérité ne craint pas le mensonge...

 

J'estime même que j'ai le droit d'être choqué, ne serait-ce que pour remettre en question ce que je tenais pour acquis afin d'y réfléchir objectivement, quitte à ne pas changer d'avis après réfléxion...

 

 

Dans le monde de Nemo (car j'ai des lettres), Dorie a une phrase tout-à-fait pertinente:

"si tu ne laisses jamais rien lui arriver, il ne lui arrivera JAMAIS rien !"

Et bien moi, je ne veux pas d'une société si verrouillée que rien de nouveau ne pourrait jamais arriver...

 

 


 

Conseils de lecture:

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